Les voies de la lumière
une composition de Jean-Marie Gagez
inspirée des travaux du Pr. Hervé Dole, astrophysicien
Les voies de la lumière
une composition de Jean-Marie Gagez
inspirée des travaux du Pr. Hervé Dole, astrophysicien
Jean-Marie Gagez
Compositeur, Jean-Marie Gagez est agrégé de musicologie, titulaire d’un Master et de quatre premiers prix du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Il s’est formé auprès de musiciens reconnus comme Jean-François Zygel et Jean-Claude Reynaud pour l’harmonie, Pierre Pincemailles pour le contrepoint, Olivier Trachier pour les polyphonies anciennes, Guillaume Connesson et Marc-André Dalbavie pour l’orchestration. Il s’est fait connaître en 2011 en collaborant avec les Ministères de la Culture et de l'Écologie qui lui commandèrent une œuvre à l’occasion des célébrations du 400ème anniversaire du phare de Cordouan, œuvre qui sera créée en pleine mer dans la chapelle du phare. En 2013, il est artiste en résidence à Gargenville dans l’ancienne maison de Nadia Boulanger où il entame la composition d’une série d’œuvres pour instruments anciens. Son répertoire s’étend d’œuvres pour instrument seul aux œuvres chorales et symphoniques.
Jean-Marie Gagez présente sa composition : "Les voies de la lumière" pour violoncelle.
Passionné depuis l’enfance par tout ce qui touche de près ou de loin à l’espace, je me suis naturellement tourné vers un des sujets d’astrophysique proposés par le projet.
Le sujet d’Hervé Dole me paraissait le plus adéquate à mettre en musique. J’en ai dégagé deux idées principales : la première concerne l’apparition de la lumière. Jusqu’en 380 000 après le Big Bang, le cosmos nous apparaît dense et opaque. Mais à cette date, l’univers devient transparent, laissant apparaître la lumière du rayonnement fossile. L’univers s’illumine alors, mais cette lumière est diffuse car les sources de lumière localisées que sont les étoiles et les galaxies n’ont pas encore fait leur apparition.
La seconde idée est que, sous l’effet de son expansion, l’univers se dilue et se refroidit, entraînant ainsi l’inversion du rapport énergétique entre lumière et matière. La lumière va peu à peu perdre de sa dominance et c’est la matière qui va prendre le contrôle des affaires de l’univers. La gravité va faire croître les semences de galaxies, détectées comme de minuscules fluctuations de température du rayonnement fossile. Des structures de plus en plus élaborées font leur apparition au cours du temps jusqu’à ce que les boules gazeuses formant les étoiles s’allument, marquant ainsi la fin de l’ère pré-stellaire.
Avec cette œuvre j’ai voulu traduire au plus près ce processus cosmique et le sentiment d’émerveillement qu'il en résulte. Par la richesse et la diversité de leur timbre, les instruments à cordes frottées étaient tout désignés pour ce projet. Après plusieurs essais avec différentes combinaisons, le choix d’utiliser un seul instrument – le violoncelle – m’est apparu comme une évidence pour traduire à la fois l’unité, la profondeur et l’homogénéité initiales de l’univers. Cette évidence à été renforcée par la possibilité d’une correspondance entre les quatre cordes du violoncelle et les quatre forces fondamentales qui gouvernent l’univers (gravitationnelle, électromagnétique, interaction faible et interaction forte). Il y a aussi un clin d’œil à la célèbre Théorie des cordes qui tente de réconcilier la physique quantique et la relativité générale en stipulant que toutes ces forces viennent à l’origine d’un seul élément : les cordes…
Les quatre cordes à vide de l'instrument forment le matériau de base de l'œuvre construite sur deux moments contrastés : le premier, très "vibratoire", évoque par des effets d’harmoniques l’apparition progressive de la lumière autour de l’idée de transparence. Le second, plus contemplatif, cherche à traduire la découverte des premiers amas de galaxies. L’un des enjeux majeurs de la pièce repose sur un double paradoxe : vouloir évoquer le déploiement de l’infiniment grand sur des durées vertigineuses avec une pièce de dix minutes écrite pour un instrument seul.
Les premières vibrations de l'univers, et la quête des premiers amas de galaxies,
un sujet proposé par Hervé Dole, professeur d'astrophysique à l'Institut d’Astrophysique Spatiale (CNRS & Université Paris-Sud)
Le satellite Planck a été lancé en 2009 pour mesurer avec une précision sans précédent les propriétés de la lumière du rayonnement fossile – aussi appelé fond diffus cosmologique, sorte d’écho lumineux du Big Bang qui traduit ses premières vibrations. Les scientifiques de la collaboration Planck ont publié deux séries de résultats cosmologiques, parmi lesquels les mesures les plus précises jamais obtenues de l’âge de l’Univers et sa composition globale. De plus, les données apportent un éclairage nouveau sur deux périodes particulièrement énigmatiques : l’inflation juste après le Big Bang et la sortie des âges sombres quand les premières étoiles et galaxies se sont formées. L’analyse des données Planck révèle, en outre, une mine d’informations impressionnantes concernant la formation des grandes structures : amas de galaxies, galaxies.
Dans ce cadre, le Professeur Hervé Dole a mené des travaux de recherche en vue de découvrir les premiers amas de galaxies (grandes structures composées de galaxies, de matière noire, de matière traditionnelle notamment).
Image du ciel observé par Planck en polarisation, et révélant notre Voie Lactée, et les vibrations de l’univers jeune. © ESA & the Planck Collaboration.
Ces premières grandes structures sont issues des premières vibrations de l’univers. Les relations entre musique et astrophysique et cosmologiques sont donc potentiellement fructueuses. Les autres résultats importants de Planck proviennent des premières vibrations de l’univers. Ces vibrations (les astrophysiciens utilisent le terme d’« oscillations acoustiques ») dans l’univers jeune encore composé de plasma chaud se retrouvent dans la lumière que nous observons aujourd’hui. Ce rayonnement fossile, ou rayonnement cosmologique, des débuts de l’univers est scruté de nos jours par les satellites puisqu’il nous renseigne sur les tous premiers instants de l’univers et ses processus physiques.
L’ensemble de ces découvertes est résumé dans le livre Le côté obscur de l’univers (2017, Dunod). Tous ces aspects sont également susceptibles de susciter une interprétation musicale.
L'image ci-dessus est tirée du communiqué de presse ESA sur les travaux du Pr Hervé Dole concernant la découverte de candidats amas de galaxies très lointains. En bas au milieu la totalité du ciel observé par Planck à 545 GHz, avec en points rouges les candidats identifiés, puis observés par Herschel. Tout autour quelques images de Herschel, avec les contours de densité de galaxies.
©!Dole, Guéry, Hurier, ESA, Planck Collab., HFI consotrium, IAS, CNES, univ. Paris Sud, CNRS