Aiôn
une composition de Denis Ramos
inspirée des travaux de l'Equipe de Nathalie Dostatni
Aiôn
une composition de Denis Ramos
inspirée des travaux de l'Equipe de Nathalie Dostatni
Denis Ramos
Né à Saint-Étienne, France, Denis RAMOS (1986) débute ses études musicales en apprenant la guitare classique. Il obtient quelques années plus tard son Brevet d’Exécution Supérieur d’interprète à l’École Normale de Musique de Paris dans la classe d’Alberto Ponce. Titulaire d’un Master de musicologie de La Sorbonne en soutenant un mémoire sur la vocalité dans l’oeuvre de Luciano Berio, il intègre le Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et est récompensé de deux Master, en écriture et en composition, ainsi que de deux prix supérieurs en analyse et en orchestration. Il a suivi les cours de composition d’Édith Canat de Chizy au CRR de Paris, d’Arnulf Herrmann à la HfM de Berlin grâce au programme d’échange Erasmus, et de Frédéric Durieux au CNSM de Paris.
Ses oeuvres sont créées et diffusées à travers l’Europe, par des interprètes, chefs et ensembles tels que Jan Krejcìk, Jean-Philippe Wurtz, Philippe Aïche, Pieter-Jelle de Boer, Marc-Antoine Perrio, Rémi Durupt, Marie Ythier, l’Ensemble Intercontemporain, l’Ensemble Orchestral Contemporain, l’Orchestre de l’Abbaye-aux-Dames et le Collectif Warning.
Il reçoit en 2012 la bourse de la Cité Internationale Universitaire de Paris pour l’excellence de son parcours et en 2014 la bourse de la Fondation Meyer pour le développement artistique et culturel.
La Fondation Salabert lui décerne en 2017 un Prix de Composition pour sa pièce d’ensemble Courante.
Denis Ramos présente sa composition : "Aiôn", pour clarinette en sib, marimba, harpe et quatuor à cordes.
Aiôn est une divinité primordiale dans la mythologie grecque, ainsi qu’un concept philosophique antique lié à l’infinitude du temps. Ce mot signifie littéralement « durée de la vie », puis par extension « destinée » et « éternité ».
C’est dans la perspective d’un temps vital se perpétuant à l’infini qu’une correspondance s’est amorcée entre la recherche scientifique de Carmina Perez Romero et mes propres recherches compositionnelles.
J’ai été frappé par la beauté des extraits vidéos réalisés par les chercheurs. Deux films montrent en vision microscopique les premières divisions cellulaires d’un embryon de drosophile. On y voit un groupe de cellules qui toutes au même instant se divisent pour créer chacune deux nouvelles cellules, et ainsi de suite. Le temps des vidéos est condensé de sorte que l’on voit en 1 minute ce qui est censé se passer en 1 heure et demi, grâce à cela la vie cellulaire est beaucoup plus perceptible à nos sens et on a l’impression d’assister à un vrai ballet organique.
J’ai développé dans ma partition une polyphonie musicale qui se veut le reflet des processus de division et de prolifération cellulaires. La notion de cycle y est fondamentale. Le flux polyphonique se répartit en trois groupes instrumentaux: le quatuor à cordes, le duo clarinette/marimba, et la harpe. Un préambule et un postambule encadrent et complètent ce long processus sonore qui se déploie durant près de huit minutes.
J’ai aussi transposé musicalement et avec une certaine liberté d’autres phénomènes qui se produisent durant cette genèse: notamment la « nucléarisation » des cellules qui a lieu au 14ème cycle de division cellulaire, ainsi que la « vague mitotique » qui résulte du décalage progressif des divisions d’une cellule à l’autre.
Les échanges avec Carmina Perez Romero et Nathalie Dostatni, toutes deux membres de l’équipe de recherche, ont été déterminants dans l’élaboration de ma pièce. J’ai eu la chance de pouvoir visiter leur laboratoire à l’Institut Curie, de rencontrer une partie de l’équipe, d’en apprendre plus sur leur pratique et même de m’essayer à l’observation de drosophiles au microscope! Cette immersion dans l’univers de la recherche scientifique était passionnante et m’a permis d’aller plus loin dans ma démarche créative.
Je suis reconnaissant à l’Institut Curie et l’université PSL d’avoir permis l’existence de ce projet enrichissant et je tiens à remercier particulièrement Garance Alberman et Judith Mine-Hattab qui l’ont remarquablement conçu.
De la cellule à l’embryon : ces heures cruciales qui nous façonnent,
un sujet proposé par l'Equipe de Nathalie Dostatni, Institut Curie, Paris, France.
Vous êtes-vous déjà demandé comment une simple cellule pouvait devenir un organisme pleinement développé ? En fait, tout a commencé par la fusion d'un œuf et de sperme en une même cellule, laquelle, au fil du temps, a commencé à se diviser, encore et encore, jusqu'à former un organisme. Pendant le processus de développement, d'une manière ou d'une autre les cellules savent exactement où elles se trouvent et ce qu'elles doivent devenir pour former l'organisme. Mais nous ne comprenons pas totalement ce processus, et la question à laquelle notre recherche espère répondre est la suivante : comment les cellules savent-elles où elles se trouvent ? Ce qu'elles doivent devenir ?
Nous étudions ce processus chez la mouche des fruits. Même si les mouches des fruits ne nous ressemblent pas beaucoup, au début du développement embryonnaire nous sommes assez similaires. Nous pouvons donc tenter de répondre à cette question pour les mouches des fruits, et nos conclusions seront peut-être pertinentes pour d'autres organismes comme le nôtre.
Au cours de son développement, la première chose qu'un embryon a besoin de connaître est l'orientation du corps : où se trouveront le haut, le bas, la gauche, la droite, le devant et l'arrière du corps. Nous nous focalisons sur la façon dont l'axe « tête-queue », que nous appelons axe antéro-postérieur, se forme.
Pour savoir où se trouvera la tête, l'embryon libère des protéines appelées morphogènes qui transmettent des instructions à d'autres gènes, afin que les cellules sachent où elles se trouvent et ce qu'elles doivent devenir. Ce morphogène est le Bicoïd. Sa concentration est beaucoup plus élevée à la tête de l'embryon et de plus en plus faible au fur et à mesure que l'on se déplace vers la queue, comme on peut le voir dans le Film 1, où le Bicoïd apparaît en vert grâce à l'utilisation d'une protéine fluorescente verte. Le Bicoïd active le gène Hunchback (bossu), ce qui a pour effet de diviser l'embryon en deux parties, le haut et le bas. Toutefois, le message du Bicoïd s'estompe après chaque division cellulaire, si bien que nous ne savons pas comment le message est relayé dans le temps.
En réalité, nous pensons que les cellules ont une mémoire, qu'elles savent qui était leur mère et qu'elles se souviennent des instructions transmises, de sorte qu'elles savent où elles se trouvent et ce qu'elles deviendront.
Pour étudier cette hypothèse, notre laboratoire a tenté d'observer l'expression du gène Hunchback dans la vie réelle, afin d'obtenir des informations sur la façon dont il est activé et de le suivre au fil du temps. Dans le Film 2, vous pouvez voir, en vert, l'ARN Hunchback activé, et, en rouge, les histones (protéines localisées dans le noyau des cellules et formant, avec l'ADN, la chromatine.) et l'ADN, que nous pouvons suivre dans le temps.
Avec ces films, nous pouvons chercher à comprendre si une mère a été activée (c'est à dire si le gène Hunchback a été transcrit en ARN puis en protéines), si une fille est activée, et enfin voir si les cellules ont une mémoire.