Dans le cadre de ce projet, j'ai eu la chance exceptionnelle de visiter à plusieurs reprises le laboratoire du Dr Mathieu Roskosz et de ses collègues au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. Nous avons commencé par une visite de la Galerie de Géologie et de Minéralogie, où il m'a expliqué les bases des météorites, d'où elles venaient et ce qu'elles pouvaient nous révéler. Parmi les objets, je me souviens d'avoir été émerveillée par la célèbre météorite d'Orgueil ainsi que par un grand échantillon d'une météorite de type Pallasite avec des centaines de cristaux d'olivine suspendus dans une matrice métallique. Il ressemblait à une mosaïque de vitraux posée sur un miroir ; moitié réfléchissant, moitié transparent. Dans son laboratoire, Mathieu m'a raconté ses récits d'expéditions dans des déserts lointains afin de collecter des fragments de météorites (qui tombent sur Terre beaucoup plus souvent qu'on ne le pense), et m'a montré de gros équipements intimidants utilisés pour découper des échantillons et analyser leur composition chimique. Dans ma salle préférée, il y avait deux grands classeurs, chacun avec de nombreux tiroirs plats minces qui s'ouvraient et exposaient de superbes échantillons de météorites, certains gravés de motifs croisés en fer, d'autres resplendissants avec des fragments de cristaux suspendus dans une matrice de métal. J'ai pu tenir entre mes mains une météorite provenant de Mars. Je me souviens, en sentant le poids de cette roche dans ma main, du sentiment d'émerveillement qui m'a envahi: j'étais un être humain minuscule, tenant une roche qui avait parcouru des millions de kilomètres de plus que je ne le ferais jamais, qui avait été en vie bien avant tout être humain et resterait bien après nous, et qui avait ressenti le froid de l'espace et la brûlure de l'atmosphère terrestre. Dans le laboratoire, une richesse de données était disponible. J'avais l'instinct de les utiliser pour dériver des motifs musicaux, que ce soit les coordonnées de l'endroit où un échantillon avait été trouvé ou la quantité de cristaux observables dans sa composition. À un moment donné, j'ai voulu créer une Pallasite musicale, dans laquelle deux motifs seraient écrasés et marbrés ensemble comme dans les Pallasites. Cependant, en travaillant, j'ai ressenti que rien ne rendait justice à l'émerveillement que je ressentais en tenant ces anciens et majestueux échantillons de météorites. L'idée d'une improvisation sur une basse continue m'est alors venus par hasard, mais quand elle est arrivée, j'ai su que c'était ainsi que la pièce devait être. La "ground bass", popularisée à l'époque baroque, est une ligne de basse répétitive sur laquelle des mélodies sont jouées et élaborées, souvent de manière improvisée. Un exemple célèbre est le Lament de Dido d'Henry Purcell (When I am laid in Earth), de Didon et Enée. Le jeu de mots anglais me convenait très bien, explorant le concept d'une roche, une pièce de “ground” ancienne, tout en utilisant la technique (bien que beaucoup moins ancienne) d'une ground bass. Au-delà de cela, je voulais explorer la résonance naturelle de la viole de gambe, tout en laissant assez de liberté aux interprètes pour habiter l'œuvre. Ce qui en a résulté, c'est une méditation respectueuse sur le moment vertigineux où l'on réalise que la matière que l'on touche est incompréhensiblement plus sage que l'on ne sera jamais.