Quiescence
une composition de Alexandra du Bois
inspirée des travaux de l’équipe d’Angela Taddei, Institut Curie
Quiescence
une composition de Alexandra du Bois
inspirée des travaux de l’équipe d’Angela Taddei, Institut Curie
Alexandra du Bois
La musique de la compositrice Alexandra du Bois, installée à Manhattan (Ph.D. Stony Brook University ; M.M. The Juilliard School ; B.M. Indiana University Jacobs School of Music) a été jouée dans des salles de concert des cinq continents – ses voyages créant un lien tangible avec les lieux qui influencent et inspirent son travail – une musique qui « tente d’être une conscience à une époque d’oubli » (David Harrington du Kronos Quartet) et « offre une interface extraordinaire entre le traditionnel et l’avant-garde » (New Zealand Herald). Alexandra du Bois est compositrice d’œuvres pour orchestre, musique de chambre, d’œuvres vocales et d’œuvres multidisciplinaires. Décrite comme « une compositrice américaine intense et lumineuse » (Los Angeles Times) et « un peintre qui sait exactement où son tableau sera accroché » (New York Times), les œuvres d’Alexandra du Bois ont été distribuées par Harmonia Mundi, Kronos Quartet et Perspective Recordings. Elle a également été compositrice en résidence au Dartmouth College, au Carnegie Hall avec le Weill Institute, au Merkin Concert Hall, au Harrison House, au Mammoth Lakes Music Festival et au Southwest Chamber Music à Los Angeles et au Vietnam.
Alexandra du Bois présente sa composition : "Quiescence" pour clarinette basse (jouant aussi clarinette en sib), violon, alto, violoncelle, piano.
L’idée que les cellules peuvent être très actives en « dormant » et que derrière la beauté sereine du « sommeil » ou du son peut se trouver le réservoir le plus intense d’émotions, de textures musicales et de simplicité active : ce concept et cette dichotomie de la quiescence en biologie cellulaire traduits directement en musique représentent pour moi le noyau du quintette. Les échanges directs avec l’équipe scientifique ont permis de renforcer cette inspiration tirée de leurs recherches, et du concept important de quiescence, créant ainsi une sorte d’intimité musicale avec la science. La mélodie, les effets, les motifs et couches rythmiques ont été inspirés par la quiescence : la musique peut être statique, inactive et calme tout en étant extrêmement active. Le clignotement stochastique vacillant généré par la microscopie PALM1 a également exercé une influence musicale directe sur le quintette. Mais la traduction en musique de cette source d’inspiration provenant de la science n’était pas littérale ; je ne voulais pas imiter ou mimer des processus scientifiques d’imagerie ou de recherche. À la place, j’ai écouté mon ressenti personnel et j’ai exploré, à travers le prisme de la poésie et de l’abstraction, certains des sons et des motifs que j’associe à l’imagerie, à la recherche scientifique et aux mouvements liés à l’état de quiescence. « L’Abstraction », dit le peintre arméno-américain Arshile Gorky, « permet à l’homme de voir avec son esprit ce qu’il ne peut pas voir physiquement avec ses yeux. L’art abstrait permet à l’artiste de percevoir au-delà du tangible, d’extraire l’infini du fini. C’est l’émancipation de l’esprit. C’est une explosion en des territoires inconnus. ». Le quintette Quiescence est dédié à Judith Miné-Hattab et à l’équipe d’Angela Taddei.
1 PALM (Photo Activable Localozation Micrsocopy) est une technique de microscopie super résolution récemment développée permettant de visualiser chaque molécule présente dans des objets biologiques avec une précision allant jusqu'à 20 nanomètres. On parle de microscopie à l'échelle de la molécule unique. Le principe de cette technique est de faire apparaitre chaque molécule l'une après l'autre, de manière à pouvoir les localiser au dela de la limite de la diffraction de la lumière. Ces expérences, dans lesquelles chaque molécule brille puis s'éteint l'une après l'autre, révélant la structure complexe et détaillée d'un objet, donnent un rendu très poétique.
Quand nos cellules sommeillent : quiescence et renaissance,
un sujet proposé par l’équipe d’Angela Taddei, Institut Curie, Paris, France.
Image ci-dessus représente des cellules en phase stationnaire dans lesquelles les télomères sont visibles en vert (Rap1-GFP) et le contour des cellules (en particulier les cicatrices dues aux division cellulaires) sont visibles en rouge (coloration blanche Calcofluor).
Image fournie par M. Guidi, M. Ruault and A. Taddei, Institut Curie.
Les cellules vivantes peuvent sortir du cycle cellulaire normal (état de prolifération) et entrer dans un état alternatif (dormant) appelé quiescence. Les cellules entrent en quiescence lorsqu'elles manquent d'une ou plusieurs substances nutritives. Durant cet état fascinant, elles ont la capacité intrigante d'assurer leur viabilité pendant une longue période (parfois plusieurs mois ou plusieurs années) et de reprendre leur développement après s'être nourries des substances nutritives manquantes.
Bien que les cellules passent la plupart de leur temps dans un état de quiescence, la majeure partie des études réalisées dans des laboratoires de recherche se concentrent sur les cellules qui traversent un cycle cellulaire normal. Par conséquent, il existe très peu de données sur l'organisation des cellules en quiescence: comment survivent-elles au manque de substances nutritives durant d'aussi longues périodes, comment retournent-elles à nouveau dans le cycle cellulaire normal lorsque la substance nutritive manquante est ajoutée ?
Les cellules quiescentes ont plusieurs caractéristiques, dont une paroi cellulaire épaissie, un profil transcriptionnel (déf 1) spécifique ainsi qu'une résistance accrue à la chaleur et au stress oxydatif...L'équipe Taddei a récemment mis à jour la façon dont les noyaux cellulaires sont organisés, à l'intérieur de l'espace tridimensionnel du noyau. Grace à des approches de microscopie en fluorescence permettant de visualiser les extrémités des chromosomes (télomères), nous avons montré que le génome de cellules quiescentes est soumis à une réorganisation spatiale majeure. Chez la levure de boulanger, durant la phase exponentielle, la chromatine silencieuse (déf 2 et 3), trouvée principalement sur les 32 télomères, s'accumule sur l'enveloppe nucléaire, formant 3 à 5 foyers ; en quiescence, les télomères se réorganisent de manière spectaculaire en se regroupant sous la forme d'un « hypercluster » situé au centre du noyau. Pour comprendre comment s'organise le génome autour de cet hypercluster de télomères, nous utilisons actuellement des techniques de microscopie super-résolution, permettant l'observation de la structure de la chromatine de façon plus fine. Nos résultats ont révèle qu'autour de l'hypercluster de télomères, la chromatine est hautement compacte et présente une organisation concentrique, extrêmement différente de ce que l'on observe durant le cycle cellulaire normal. Lorsque la substance nutritive manquante est ajoutée, les cellules quiescentes peuvent entrer à nouveau dans le cycle cellulaire normal en seulement 30 minutes. L'origine de cette réorganisation drastique du génome reste inconnue à ce jour.
De manière plus générale, les mécanismes qui sous-tendent la « quiescence » et la « renaissance » des cellules demeurent mystérieux et font l'objet de nombreuses recherches actives.
définitions :
1. transcription: copie d'une séquence d'ADN en une molécule d'ARN. La transcription est la 1ère étape permettant de "recopier" les données des gènes pour créer de la matière biologique.
2. chromatine: Substance formée d'ADN et de protéines histones, présente dans le noyau cellulaire
3. chromatine silencieuse: chromatine non-transcrite
Références :
Spatial reorganization of telomeres in long-lived quiescent cells
Guidi, M., Ruault, M., Mrbouty, M., Loiodice, I., Cournac. A., Billaudeau, C., Hocher, A., Mozziconacci, J., Koszul, R. Taddei, A.
Genome Biol. 2015